Ecolo était en congrès a Bruxelles cette après midi . Ce congrès présidé ( de main de maître) par Christos Doulkéridis avait la particularitée de recevoir des personnalitées étrangères , mais de plus des personnalitées qui ne partagent pas nécessairement les opinions de la plupart des militant Ecolo. Il y avait cette après midi par exemple:Jean Peyrelevade (ex-directeur de Suez, UAP, Crédit Lyonnais), Nicole Notat (Présidente de Vigeo et ex-présidente du syndicat français CFDT), Ernst Rauch (directeur du service de l’étude des risques climatiques pour la Munich Re, plus grosse entreprise mondiale de réassurance), Thierry Jacques, Président du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC), Vincent Reuter (Administrateur-délégué de l’Union wallonne des entreprises UWE), Laurence Roland (Réseau de financement Alternatif),...
Voici le texte de conclusion du metteur en scène de cette après midi : Jean Marc Nollet , ancien ministre communautaire , actuel chef de groupe Ecolo au parlement fédéral et animateur de la commission économique d'ECOLO
Chers amis,
Il est évidemment impossible au cours d'un Congrès d'aborder toutes les dimensions d'un programme.
Je pense néanmoins que grâce à la richesse et à la diversité des intervenants nous avons touché à l'essentiel.
De cette après-midi, et des travaux préparatoires à la rédaction de notre programme économique d'Ecolo, se dégagent les conditions d'une relance économique mise au service d'une planète vivante et d'une plus forte cohésion sociale.
Face à la dérive bien réelle et tangible que nous a décrit M. Peyrelevade et qui conduit à faire des investisseurs financiers les juges suprêmes des projets industriels ou économiques qui méritent - ou non - d'être soutenu, pointons tout d'abord l'absolue nécessité de libérer l'économie des contraintes imposées par le monde de la finance.
De la libérer du « court termisme », des dumpings sociaux et environnementaux et de la libérer des logiques exclusivement boursières, pour la ré-ancrer dans un projet.
Projet industriel bien entendu, mais également projet de société.
C'est en ce sens que l'intitulé de ce 1 er Congrès public de la campagne électorale 2007 trouve toute sa pertinence.
Pour avancer vers cette « économie de projets », il faut agir pour que le cycle de la finance ne puisse définitivement imposer son rythme et ses choix au cycle de l'économie .
L'intérêt général doit être beaucoup mieux défendu face à l'intérêt de court terme des seuls actionnaires.
C'est une première condition.
Seconde condition. Il est aujourd'hui nécessaire que les coûts finaux des biens et des produits intègrent l'ensemble des coûts causés à la Planète et le prix des services rendus par la nature .
L'externalisation du coût des dégâts environnementaux conduit à des aberrations bien connues.
Ainsi, l'Angleterre a-t-elle exporté en 1998 60.000 tonnes de poulet vers les Pays-Bas. En même temps, elle importait 30.000 tonnes de poulet des mêmes Pays-Bas. Et il n'y a pas que les poulets qui ont droit à ce genre de carrousel absurde.
En 1999, la France a exporté 3,5 millions de tonnes de lait et en a importé, au cours de la même année 1,5 millions.
Autre exemple cité par ma collègue Muriel Gerkens: plutôt que de développer le secteur des fraises chez nous, on en fait de plus en plus venir par avion d'Afrique du Sud ou d'Israël.
Et que dire alors de ces crevettes qui quittent Ostende par avion le matin pour y revenir le soir après avoir été conditionnées sur un autre continent…
Des aberrations comme celles-là ne peuvent exister que parce que, en l'absence notamment de taxation sur le kérosène, les prix de vente n'intègrent pas les dommages causés à l'environnement.
Or, les émissions de CO2 produites suite à un acheminement par avion sont 60 fois plus importantes que si elles étaient acheminées par bateau. Oui, vous avez bien entendu, 60 fois plus importantes.
C'est énorme.
C'est la raison pour laquelle les écologistes viennent de déposer une proposition d'étiquetage de l'empreinte écologique de tous ces produits qui utilisent l'avion avant d'arriver dans nos assiettes.
J'ose espérer que cette proposition sera rapidement adoptée par tous ceux qui, aujourd'hui, découvrent l'importance de la protection de la planète.
J'en viens maintenant à la troisième condition.
Elle est liée à un contexte environnemental sur lequel les experts réunis à Paris ont planché ces derniers jours.
Pour lutter contre le dérèglement climatique c'est une véritable révolution énergétique qui doit voir le jour .
Dans le cas contraire, les conséquences économiques, environnementales mais surtout sociales seront terribles. Au Sud comme dans nos pays.
Avec pour premières victimes les familles les plus précarisées. Les travaux du GIEC nous l'ont encore rappelé avec acuité : le réchauffement climatique sera synonyme de nouvelle famine pour 200 à 600 millions d'habitants. Et entre 1 et 3 milliards d'habitants risquent de manquer d'eau.
Il s'agit, face à ce double défi, climatique et social, d'opérer un saut qualitatif équivalent à celui vécu lors de la révolution industrielle, et d'intégrer dès l'entame, ce que Jean-Michel Javaux appelait il y a déjà plus d'un an « la nouvelle question sociale », à savoir celle de l'accès pour tous à l'énergie propre.
C'était dans Le Soir du 12 septembre 2005.
Déjà à l'époque, avant quiconque et sans attendre l'ouverture de la campagne présidentielle… française, il indiquait les voies à suivre pour que la nécessaire transition énergétique soit également l'occasion de renforcer les solidarités.
Chers amis, e n ce début de 21 ème siècle, nous sommes à un tournant de l'histoire économique et sociale.
La première révolution industrielle a été initiée par la pénurie de main-d'œuvre, à une époque où les ressources naturelles paraissaient illimitées.
Aujourd'hui, une large proportion de population active est inoccupée et les limites des ressources naturelles sont avérées.
En conséquence, l'accroissement de la productivité des personnes qui avait guidé la première révolution industrielle doit faire place aujourd'hui à un accroissement radical de la productivité des ressources naturelles, au profit de l'emploi.
Imaginez un discours au Parlement en 1750 prédisant qu'en 70 ans la productivité du travail augmenterait à un point tel qu'un ouvrier pourrait à lui seul accomplir le travail de plus de 100 de ses collègues. L'orateur aurait été traité de fou ou pire. C'est pourtant ce qui s'est produit.
Imaginez maintenant une scène similaire aujourd'hui, où des experts certifieraient que la productivité des ressources naturelles peut être multipliée par 10, 20 ou même 100 dans les 70 prochaines années.
Tout comme il était inimaginable, il y a 250 ans, de concevoir qu'un ouvrier puisse abattre 100 fois plus de travail, il est difficile aujourd'hui d'imaginer qu'un kilowattheure soit 100 fois plus productif qu'il ne l'est à l'heure actuelle.
Et pourtant, c'est non seulement nécessaire mais également tout à fait envisageable. A condition d'investir massivement dans les secteurs des nouvelles technologies vertes et de mieux soutenir la recherche fondamentale, j'y reviendrai.
Cette « révolution verte » que nous appelons de nos vœux est une grande opportunité économique. Pas seulement une contrainte. Trois bénéfices en découleront: nous ralentirons l'épuisement des ressources en amont, en même temps qu'en aval nous diminuerons la pollution et augmenterons l'emploi, dans des jobs valables et durables.
Mais pour y arriver, comme le dit notre secrétaire fédéral dans sa dernière grande interview, il faudra des mesures fortes. Et surtout, il faut agir avant que le seuil critique des 2 degrés Celsius supplémentaires ne soit atteint. Au-delà, nous serions tous perdants. Sur le plan social, économique et environnemental les dégâts seraient irréversibles.
Les factures du type de celle que Katrina a envoyé aux compagnies de réassurances (125 milliards de dollars) ne cesseront d'inonder nos boîtes aux lettres.
Une étude du programme des Nations Unies pour l'environnement conclut que dans les dix ans à venir, les catastrophes, qui n'auront de naturelles que le nom, causeront à l'économie mondiale une perte annuelle de 150 milliards de dollars.
Pour comparaison, la destruction des deux tours de WTC aura coûté 7 fois moins aux assurances. Il est peut-être temps, Monsieur Bush, de faire la guerre au réchauffement climatique plutôt qu'aux chimères irakiennes.
Katrina doit être considérée comme le « point de non-retour » de l'âge du pétrole. Chez vous là-bas, comme ici chez nous.
Bonne chance aux partis traditionnels (du Nord comme du Sud du pays) pour convoquer le gulf stream en négociation à Val Duchesse quand les courants marins se seront inversés ! Ce sera trop tard…
Plus on attend pour agir, plus la marge de manœuvre se réduit et plus les efforts à réaliser seront importants.
Le rapport Stern nous dit que si nous voulons lutter contre le réchauffement climatique il faut dès aujourd'hui y consacrer 1% du PIB mondial. Si nous attendons encore 15 ou 20 ans, ce ne sera plus 1% mais 10, 15 voire 20% du PIB mondial qu'il faudra y consacrer.
Comme le dit Nicole NOTAT , « le prix de l'inaction est beaucoup plus élevé que le prix de l'action immédiate ».
En ayant décidé de se rendre, d'ici 2020, indépendante du charbon sans pour autant relancer le nucléaire, la Suède nous montre la voie.
Pas étonnant dès lors d'y voir des initiatives privées se développer.
Ainsi, une dizaine de grosses sociétés actives dans les secteurs minier, forestier, chimique et sidérurgique suédois viennent-elles de se lancer dans un projet de construction de 150 éoliennes dont l'objectif est de les alimenter à hauteur d'un Térawatt par an (1 milliard de Kw) en électricité 100% verte.
Pendant ce temps, chez nous, un certain patronat passéiste réclame la création de « sa » nouvelle centrale nucléaire. Heureusement, ils ne sont pas tous comme cela. Pour preuve, les illustrations vidéos que vous avez pu voir et les démarches mises en avant par Vincent Reuter tout à l'heure.
Quatrième et dernière condition du passage à une économie de projets.
Que l'Etat - le politique comme le dit Jean Peyrellevade - assume et joue son rôle de régulation en orientant l'économie vers le durable et en redistribuant les richesses créées. Rappelons à cette occasion que l'approche de la régulation que nous prônons vise à « enchâsser » l'économique dans le social et le politique, et non de subordonner ces deux domaines aux logiques du premier.
Lutte contre le court-termisme, internalisation des coûts environnementaux, révolution énergétique et régulation politique. Bien entendu, ces conditions ne dépendent pas de la seule action de l'Etat belge.
Ce que nous disons ici, ce que nous définissons comme conditions d'une mutation économique indispensable, doit se retrouver au cœur d'un véritable projet européen. Projet qui fait tant défaut aujourd'hui dans une Europe politique en plein marasme.
C'est partout en Europe, et au niveau de l'Union elle-même, que le politique doit introduire des éléments
- de régulation de la finance,
- d'application du principe du pollueur-payeur,
- de renforcement de la cohésion sociale.
- et d'investissements massifs dans les économies d'énergies, l'efficacité énergétique et le développement d'énergies renouvelables.
Néanmoins, il serait beaucoup trop facile - et vous verrez que les partis traditionnels ne manqueront pas de le faire au cours de cette campagne - de se servir de l'alibi européen pour prôner le service minimum au niveau belgo-belge.
Que ce soit en matière d'orientation vers les secteurs durables, de redistribution ou de plus grande régulation des flux financiers, notre pays dispose de leviers d'actions.
Et cette action est d'autant plus justifiée chez nous que la Belgique est, avec les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, en tête du classement européen en terme d'épargne accumulée par les particuliers, avec un taux d'épargne de plus de 250% du PIB (262% pour être précis, soit plus de 650 milliards d'euros).
Ces leviers d'action dont nous disposons, il ne faut pas se contenter d'y penser, il faut les utiliser.
Prenons ici quatre exemples, quatre points d'appui.
1) Le levier des fonds de pension
2) La clé de la recherche fondamentale
3) L'application du mécanisme de Kyoto
4) Le potentiel des commandes publiques
***
1) Le levier des fonds de pension
Tout compris, fonds de pension, assurances vie et assurances groupe, 2 ème et 3 ème piliers, représentent pour la seule Belgique une masse financière qui dépasse les 120 milliards d'euros.
Ces 120 milliards d'euros sont en fait des salaires différés qui appartiennent aux travailleurs mais ne leur seront ristournés que plus tard, en fin de carrière, à 60 ou 65 ans.
Toute la question est de savoir à quoi servent ces 120 milliards entretemps.
Se mettent-ils au service d'un développement économique durable ou, au contraire, participent-ils à cette économie casino que nous décrions tant ?
A l'heure actuelle la question est absente de l'agenda politique.
Or, force est de constater que ces placements financiers à long terme influencent très fortement le fonctionnement de l'économie.
Selon la manière dont cette masse d'argent est investie, elle peut jouer un rôle plus ou moins vertueux sur le développement socio-économique et sur l'environnement.
Pour montrer l'absurdité sociétale de certains choix de placement de fonds de pension, j'ai pris pour habitude de citer le « cas vécu » de l'Intercommunale des Œuvres Sociales de Charleroi (rebaptisée depuis lors ISPPC) qui tout en étant une intercommunale de santé publique investissait son fonds de pension notamment dans le cigarettier Philippe Morris et dans Boeing, principal concurrent d'Airbus qui, dans la région de Charleroi, fait pourtant vivre la Sonaca.
Par l'intermédiaire des choix des gestionnaires des fonds de pension (tous issus du même parti), l'argent des travailleurs des hôpitaux de Charleroi servait à délocaliser l'emploi. Absurde.
A l'inverse de cet exemple carolo, la fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (la plus grande centrale syndicale de la province canadienne, avec plus d'un demi-million de membres) a, dès 1983, lancé un fonds de pensions dont l'idée a été de reterritorialiser l'épargne.
Ce fonds a pu s'appuyer sur une mesure de déduction fiscale « orientée » , comme nous le proposons. Considéré là-bas comme une véritable réussite (avec un taux annuel moyen de rendement de 5% par an en 20 ans), le fonds gère maintenant plus de 4 milliards d'euros.
Voilà pourquoi, chers amis, nous allons introduire ce thème des fonds de pension au centre du débat économique, politique mais aussi syndical. Alors que ces fonds prennent une place et une influence grandissante dans notre paysage, il s'agit de s'assurer qu'ils contribuent également à un développement économique durable au bénéfice des générations actuelles et futures.
Est-il encore acceptable que l'Etat soutienne financièrement (par la voie des déductions fiscales) n'importe quel placement effectué par les fonds de pension ? Nous ne le pensons pas.
Avec mes collègues Ecolo au Parlement fédéral, nous avons déposé une proposition de Loi cadre qui limite les soutiens étatiques aux seuls fonds qui s'orientent peu à peu vers le développement durable.
Il faut amener les fonds de pension à voir plus loin que la lorgnette du profit immédiat. Il serait irresponsable et même contre-productif de générer par des investissements d'aujourd'hui des dettes cachées (notamment environnementales) pour demain, alors même que les investissements dans les fonds de pension visent à préparer l'avenir.
Passons maintenant à la seconde illustration, au second levier ; celui de la recherche . Qu 'elle soit fondamentale ou appliquée.
Notre projet politique « vert » repose sur de nombreuses innovations.
Que ce soit en matière sociale, environnementale, agricole ou médicale pour ne citer que ces quelques domaines, sans oublier bien entendu la question énergétique, nous avons besoin de solutions neuves, autant que de chercheuses et de chercheurs pour les trouver.
A l'intersection entre croissance économique qualitative, cohésion sociale forte et respect de l'environnement, l'investissement dans l'innovation et la connaissance est une des clés majeures du développement durable de nos sociétés. Sans un investissement massif dans la recherche, pas de nouveaux débouchés.
Les pays nordiques l'ont à nouveau bien compris. Ils ont, en quelques années, fait progresser leurs dépenses publiques et privées pour atteindre, un taux du PIB consacré à la recherche de 2,5% au Danemark et de 3,5% en Finlande et en Suède.
Le gouvernement violet fait quant à lui malheureusement le chemin totalement inverse.
Alors qu'en 2001 les moyens consacrés à la Recherche & Développement atteignaient en Belgique 2,2%, ils sont aujourd'hui repassés sous la barre des 2% avec un dernier pointage à 1,82%.
Et qu'on ne vienne pas dire qu'il n'existe pas d'entrepreneurs prêts à relever les défis. Les clips vidéos que vous avez découverts en avant-première et qui seront accessibles sur le site d'ECOLO ne sont que quelques exemples parmi de nombreux autres.
Que ce soit en recherche fondamentale ou en recherche appliquée, la situation est préoccupante. Raison pour laquelle nous avons pour proposition phare, dans notre programme, d'investir, dans la recherche, 1 milliard d'euros d'argent public supplémentaire sous la prochaine législature fédérale, avec une priorité absolue à la recherche en matière d'énergies renouvelables utilisables chez nous, en Région wallonne et en Région bruxelloise. Nous sommes persuadés qu'il s'agit là d'un levier essentiel pour faire évoluer nos sociétés et passer d'une économie de l'imitation à une économie de l'innovation.
J'en viens maintenant à une 3 ème illustration de ce qui est à notre disposition, je veux parler des mécanismes de Kyoto.
Comme vous le savez, le protocole dont nous fêterons ensemble le second anniversaire à Herstal ce vendredi 16 février prévoit que la Belgique réduise ses émissions de CO2 de 7,5% à échéance de 2010 par rapport à la situation de 1990.
Les quelques petites mesures prises par le gouvernement ne permettront d'atteindre, au terme de l'échéance, qu'une réduction de 0,7% ! Le reste, soit quasi 90% de l'effort, devra être effectué par achat de permis de polluer à l'étranger. Un véritable gaspillage d'argent public.
Par absence de réelle volonté d'opérer chez nous la nécessaire révolution énergétique, nous serons obligés d'acheter chaque année de la prochaine législature pour 10 millions de tonnes de droits d'émissions de CO2.
Plutôt que de faire d'une pierre deux coups en diminuant la facture énergétique des familles et en ouvrant de nouvelles filières d'emplois localisées chez nous, notamment dans le secteur de la construction et de la rénovation, la passivité du Gouvernement violet va, si rien ne change, contraindre la Belgique à dépenser entre 2008 et 2012 plus de 500 millions d'euros dans l'achat de permis de polluer.
Certes, le mécanisme prévoit la possibilité d'investir pour ce faire également dans les Pays en voie de développement, et il est certainement utile de leur réserver une partie de nos crédits, mais ce qui est choquant c'est de voir la Belgique ne faire en interne que 10% de l'effort et reporter le reste sur l'achat de droits qui feront le bonheur de pays qui se sont donné les moyens de dépasser ce que le protocole de Kyoto leur imposait.
Imaginons un seul instant le coût monstrueux de cette même logique passéiste quand il s'agira de relever les défis des nécessaires étapes suivantes du protocole de Kyoto !
On ne parlera plus à ce moment d'une réduction de 7,5% mais d'un objectif de 30% de réduction en 2020 et de 50% en 2030. Au prix de la tonne de CO2, si, dans la même logique, tout – ou quasi tout - continue à s'acheter à l'étranger, c'est une masse financière de plusieurs milliards d'euros qui s'envolera vers d'autres cieux.
Quel gaspillage financier !
Que d'emplois perdus s'il n'y a pas un renversement radical de raisonnement !
Je termine maintenant ces quelques illustrations de levier d'action en pointant également le poids que représente le potentiel des marchés et commandes publiques.
Chaque année, ce sont en moyenne 14% du PIB (45 milliards d'euros) qui passent par ce genre de commande.
Outre le fait d'approvisionner l'Etat, les régions mais aussi les communes en services, biens et travaux, les marchés publics sont un formidable outil d'impulsion économique .
C'est pourquoi Ecolo souhaite obliger les pouvoirs publics à inscrire et respecter systématiquement dans leurs commandes des clauses sociales et environnementales qui démultiplieront aussitôt l'impact positif en termes d'emplois sur des filières durables et difficilement délocalisables.
La recherche, les fonds de pension, les mécanismes Kyoto et les commandes publiques. 4 exemples, 4 leviers d'actions. Mais il y en a bien d'autres, développés tout au long de notre programme.
Pensons par exemple au mécanisme du tiers investisseur pour les particuliers ; au transfert fiscal du travail vers les pollutions ; au rééquilibrage des cotisations sociales ; à la conditionnalisation des réductions de cotisation sociale ; à la carte hypermobile qui pourrait peu à peu remplacer le recours exclusif aux voitures de société; ou encore, à la manière dont nous proposons de lier l'utilisation des moyens du second (et dernier) phasing out de l'objectif 1 pour le Hainaut à une augmentation de l'emploi, elle-même couplée à une réduction de notre empreinte écologique.
Ces quelques exemples de leviers d'action ne sont pas choisis au hasard.
Ce ne sont pas des appendices, des micro-projets dont on se gausse ou des expériences pilotes dont on sait qu'elles ne pourront jamais être généralisées. Ils concernent des masses financières importantes. Ils sont au cœur des mécanismes économiques modernes.
Ils ont également pour point commun de ne pas toucher à la pression fiscale globale mais de réorienter celle-ci à charge fiscale constante. En clair, contrairement à ce que d'aucuns, particulièrement dans le camp libéral, essayent encore aujourd'hui de faire croire, pas besoin d'augmenter l'impôt pour passer au vert.
Par contre, une chose est sure : on ne passera pas au vert sans les verts.
Olivier DELEUZE a fait sortir la Belgique du nucléaire, ouvrant ainsi la voie aux énergies renouvelables. Mais qu'ont fait les socialistes et les libéraux de cette fenêtre d'opportunité ? Rien. Absolument rien de transcendant.
Pas étonnant dès lors que la Belgique se trouve à la traine dans tous les classements internationaux en matière d'environnement et plus précisément encore en matière d'énergies renouvelables.
En Belgique, tous les indicateurs « verts » virent au rouge.
Nous sommes 39 ème et dernier pays de l'UE en termes de protection de l'environnement.
L'analyse détaillée du classement réalisé conjointement par les universités de Yale et de Columbia pointe particulièrement les faiblesses belges au niveau de la qualité de l'eau, de la biodiversité et, bien logiquement, de l'utilisation d'énergies renouvelables.
Avec moins de deux piètres petits pourcents de part de marché affectés aux énergies renouvelables dans la consommation d'énergie primaire, nous sommes les derniers de l'ensemble des 15 pays de l'UE avant élargissement et 25 ème sur 27 de l'UE après élargissement. Voilà le vrai bilan d'un gouvernement sans les écologistes.
Pendant que les autres décollent (l'Allemagne en est à 5%, la France et l'Italie à 6%, le Danemark à 14%, l'Autriche, la Finlande et la Suède au-delà des 20%), nous stagnons en dessous des 2%.
Alors qu'il avait toutes les cartes en main suite à l'action combinée d'Olivier Deleuze au fédéral et de José Daras en Région wallonne, le gouvernement violet a fait perdre 4 précieuses années à la Belgique. Ce gouvernement n'était pas seulement « contre nature » il était surtout contre « la » nature.
Chers amis, il n'y a désormais plus de temps à perdre.
Si tout le monde devait vivre et consommer selon nos standards, il faudrait trois planètes. Jusqu'à preuve du contraire, nous n'en avons qu'une.
A la fin des années 80, les responsables politiques ont commencé à se rendre compte du problème de la dette budgétaire cumulée. A la fin des années 90, les responsables politiques ont peu à peu pris conscience de la dette sociale liée à l'allongement de la durée de vie. Aujourd'hui, il est plus que temps qu'ils se rendent compte de la dette écologique qui s'accumule et qui, par son effet boule de neige, fait peser de lourdes hypothèques sur nos petits-enfants, sur nos enfants mais aussi sur notre propre situation dans 10 ou 15 ans.
Cher amis, nous sommes ici au cœur d'un des principaux défis que les verts devront porter au long de la prochaine législature : inverser la tendance et commencer à réduire notre empreinte écologique.
Il s'agit d'une question de justice entre les générations car tôt ou tard nous devrons payer l'addition que nous enverra la Terre. Les dettes créées aujourd'hui sont les taxes de demain.
Si rien ne change, si le pollueur ne devient pas le payeur, c'est le citoyen contribuable qui payera demain la facture.
Et il payera 3 fois l'addition.
Une première fois par ses impôts, une seconde fois par l'augmentation du chômage et une troisième fois par la détérioration de sa santé.
Nous devons cesser de faire porter sur les générations futures le coût de nos modes de vie et de consommation. Il faut d'urgence désamorcer la bombe climatique.
Nicolas Hulot a donné de l'ampleur médiatique à l'idée, déjà présente dans notre programme, d'un Vice-Premier Ministre chargé du développement durable. Aujourd'hui, dans le cadre de ce Congrès, nous voulons mettre en avant notre proposition qui vise à outiller ce futur Vice-Premier d'une véritable Inspection du Développement Durable dont le rôle serait d'étudier l'impact, l'incidence sur l'environnement, de chaque projet, de chaque loi, de chaque décision.
L'Inspection du développement durable serait à l'environnement ce que l'inspection des finances est au budget : un gendarme dont la mission première est de désamorcer la bombe climatique en nous interdisant toute augmentation de notre dette environnementale et en nous conduisant vers une réduction de notre empreinte écologique.
Nos éventuels futurs partenaires doivent comprendre que la protection de l'environnement n'est pas une politique publique décorative destinée à se donner bonne conscience. Elle doit, au contraire, être au cœur de toutes les politiques publiques ! Santé, emploi, agriculture, économie, recherche,… autant d'administrations, autant de secteurs d'activité qui seront concernés par la réduction de la dette environnementale, au même titre qu'ils le sont pour la dette financière.
Réduire notre empreinte écologique. Voilà l'objectif.
Passer d'une économie de marché à une économie de projets, orientée vers tout ce qui est durable, voilà le moyen.
Nos propositions sont non seulement écologiquement nécessaires, elles sont aussi économiquement rentables.
La Commission européenne le démontre elle-même en page 53 de son livre vert, je cite : « chaque million de dollars investi dans l'efficacité énergétique crée de 12 à 16 années de travail direct à comparer aux 4 années de travail pour un investissement dans un centrale au charbon et aux 4,5 années de travail dans une centrale nucléaire » ; preuve s'il en fallait que le durable, c'est rentable.
Chers amis, plus que jamais, l'écologie est le poumon de l'économie. Chaque défi écologique est une opportunité économique et une opportunité, comme nous venons de le voir, pour ouvrir de nouvelles filières d'emplois.
L'environnement est un facteur fort de relocalisation de l'emploi.
Ne ratons pas le train. Que ce soit à Bruxelles ou en Wallonie, nous avons bien besoin de ces nouveaux gisements en emploi durables et de qualité.
Comme écologistes, pas plus que nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation par laquelle plus d'un million et demi de nos concitoyens vivent au quotidien sous le seuil de pauvreté, nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation ou près de 600.000 d'entre eux sont en demande d'emplois et reçoivent pour seule réponse une convocation du FOREM, de l'ORBEM ou du VDAB… avec menace d'exclusion à la clé.
Alors que les écologistes s'emploient, comme nous l'avons fait ici, à travailler sur l'offre d'emplois, à identifier de nouvelles filières d'emplois durables et de qualité, l'ensemble des partis traditionnels font porter la responsabilité exclusive du chômage sur les demandeurs d'emploi.
Et tout cela, au nom de l'Etat social actif.
La persistance du chômage est interprétée, chez eux, comme un problème essentiellement lié aux rigidités du marché du travail et aux carences des demandeurs d'emploi.
Osons affirmer ici sans détour que « l'Etat social actif » est une impasse.
Ce concept ramené sur le continent par les socialistes flamands a juste permis de « sauter », sans trop le dire ni l'assumer, d'un Etat qui protégeait (de moins en moins bien) à un Etat qui rendait coupable. Coupable de ne pas trouver un emploi, coupable de ne pas être à la hauteur, coupable de ne pas répondre aux exigences toujours croissantes de flexibilité.
Ce que nous proposons, ce que les écologistes proposent, c'est de passer de cet Etat qui rend coupable à un Etat qui rende capable. Capable de se prendre en main, capable de choisir sa vie sans devoir dépendre du potentat politique local.
Les régressistes, n'en déplaise au ministre-Président de la Région Wallonne , bourgmestre empêché et président du PS, ne sont pas toujours ceux qu'il désigne.
Maintenir les gens en situation de dépendances multiples avec pour point d'intersection la permanence sociale tenue par le chef de la section locale du parti, c'est maintenir les gens en situation de dépendance et se faire l'allié objectif des régressistes.
Par contre, se donner pour objectif, comme nous le faisons, de consacrer 2,5% de la masse salariale à la formation des travailleurs et corriger la mesure prise en catimini pendant les vacances sur le Congé Education Payé par le gouvernement Verhofstadt – Onkelinx, c'est clairement se mettre du côté des progressistes, des vrais progressistes, de ceux qui cherchent à rendre les gens plus capables et in-dépendants.
Avoir pour objectif transversal de rendre les citoyens capables, à tous les stades de leur vie, c'est aussi investir, comme nous le proposons, dans la création d'une assurance-autonomie au sein de la sécurité sociale fédérale renforcée. Cela passe également par un relèvement des minimas sociaux au-dessus du seuil de pauvreté, une augmentation des plus petites pensions et une véritable liaison au bien-être pour l'ensemble des allocations sociales.
A un autre stade de la vie, rendre les parents, les familles capables d'accueillir un premier enfant, passe, comme nous le proposons, par un relèvement des allocations familiales de 50€ par mois.
Les Etats généraux des familles ont estimé qu'à l'heure actuelle les allocations ne couvraient qu'entre 26 et 39% des coûts minimaux du premier enfant.
Depuis longtemps ECOLO défend une revalorisation pluriannuelle des allocations familiales en lien avec une réforme des abattements fiscaux pour enfants à charge.
Pour concrétiser cette revalorisation, nous avons identifié ce palier de 50€/mois à échéance de la prochaine législature, et ce, tant pour les enfants de salariés que pour les enfants d'indépendants.
Mais le temps nous est compté aujourd'hui et nous aurons l'occasion de revenir sur ces propositions lors de notre prochain congrès consacré aux solidarités.
Redistribuer, orienter, stimuler. Ce sont les 3 axes de notre programme économique.
Entre le « catastrophisme aigu » et le « rien n'est possible », il y a place pour un projet comme le nôtre.
Cet autre mode de développement, ce passage que nous proposons d'une économie de pur marché à une économie de projets est aussi, et je terminerai par la, une opportunité pour redonner du sens et de la valeur à ce que nous faisons et à ce que nous entreprenons.
Offrons par ce passage d'autres indicateurs que le seul PIB.
Le PIB ne fait pas le bonheur.
Le PIB est un indicateur du « plus », pas du « mieux ».
Il donne une image incomplète et même déformée de la réalité.
Mais il aveugle également en donnant pour objet fondamental à la politique économique de répondre à la question du « comment faire plus » refoulant la question du sens, de la finalité du projet à l'extérieur de la sphère économique.
En parlant, volontairement, d'économie de projets, nous voulons faire précéder la question des voies et moyens et donc du « comment ? » d'une autre question, celle des finalités et donc du « pour quoi ?».
Notre réponse, à nous, Verts, ce que nous recherchons, le « pour quoi » nous nous battons, c'est l'égalité des chances de réalisation de vie : que chacun sur cette planète puisse être capable de choisir sa vie et d'être heureux dans ce choix, tout en respectant le choix des autres, présents et à venir, ici au Nord et là-bas, au Sud de la même planète.
C'est cette option solidaire, offensive et radicalement émancipatrice que nous défendrons tout au long de la campagne et, si l'électeur nous le permet, lors d'une éventuelle négociation gouvernementale.
Je vous remercie pour votre attention et votre participation à ce 1 er congrès de campagne.
Rendez-vous le 14 dans les gares(j'y reviendrai) et le 16 à Herstal ! (j'en ai déja parlé)
Jean-Marc Nollet,
3 février 2007